La DGFIP a 11 ans et son adolescence va représenter un tournant déterminant de son histoire !
Les restructurations regroupées sous l'acronyme NRP (nouveau réseau de proximité) viennent s'ajouter à une situation actuelle déjà alarmante. Face aux manques de moyens humains et budgétaires, ce sont les agent·es des Finances publiques qui compensent par leur professionnalisme et leur implication quotidienne.
Or, le NRP est lancé avec des rythmes différenciés selon les directions locales.
De ce fait, les collègues que nous représentons s’interrogent sur leur devenir personnel et professionnel. Au regard des enjeux majeurs pour la DGFIP et ses personnels, Solidaires Finances Publiques s'est rendu au premier GT concernant le NRP afin de faire valoir son opposition aux projets de réorganisation de la présence territoriale de la DGFiP contenue dans le NRP et la démétropolisation, et d'y porter sa vision de "notre DGFiP".
Liminaire
Notre présence à ce GT s'inscrit dans la continuité des échanges qui ont eu lieu en CTR et répond à une attente partagée d'un temps nouveau en matière de dialogue social. Solidaires Finances Publiques ira dans chaque instance porter la parole des agentes et des agents de façon argumentée et déterminée. Aussi au cours de ce groupe de travail, notre organisation fera valoir son ambition pour la DGFiP et ses personnels.
Mais commençons notre propos par une observation préalable, certaines de vos fiches, notamment celle concernant la concertation, soulèvent un problème de sémantique. Il semble que vous ayez une approche à géométrie variable de la concertation. Vous tenez compte des remarques de certains interlocuteurs, notamment les élu·es locaux et les Préfets, par contre vous l'avez limitée à de l'information pour les agents et les organisations syndicales. Pour Solidaires Finances Publiques ce dédoublement de la « personnalité » de la DGFiP en matière de dialogue n'est pas acceptable. Vous ne pouvez pas limiter la parole des agentes et des agents à la participation à une réflexion sur un pseudo budget participatif local. Avec un tel choix, vous n'engendreriez que colère, désillusion et frustration et ceci n'apaiserait en rien le climat social à la DGFiP.
Abordons à présent les objectifs principaux énoncés dans les fiches du GT : « mieux répondre aux besoins de proximité des usagers », « répondre de façon satisfaisante aux besoins de conseil des élus locaux » et « rééquilibrer la localisation des services de la DGFiP ». Nul ne peut être en désaccord avec ceux-ci et notre vision en la matière peut se recouper. Toutefois, notre vision diverge dès que vous abordez la déclinaison des dits objectifs. Aussi nous réaffirmons à l'occasion de ce groupe de travail notre opposition ferme à votre nouveau réseau de proximité et à votre projet de démétropolisation. Nous maintenons notre exigence d'un retrait du NRP dans sa globalité.
L'ambition de Solidaires Finances Publiques s'appuie sur une réflexion nourrie de longue date et sur une écoute permanente de notre réseau de proximité, des agentes et des agents qui font le quotidien de notre administration. Notre approche revendicative alternative se fonde également sur les principes fondamentaux de défense du service public et de ses agent·es. Pour nous, la DGFiP doit maintenir un haut niveau de service public pour :
- servir l’intérêt général en toute neutralité et indépendance,
- être accessible, assurer un service continu sans discrimination.
Ces principes sont essentiels pour faire face aux enjeux (sociaux, environnementaux, économiques) et dépasser la logique marchande et financière qui ne cesse de s’étendre. Logique qui contribue à la fracturation sociale et territoriale du pays.
De manière générale, nous réaffirmons l'impérieuse nécessité d'avoir :
- des missions qui restent du ressort de l’État, assurées par des administrations techniciennes,
- des moyens adaptés aux enjeux, alors que la charge et la complexité du travail ont augmenté,
- des agent·es statutaires formé·es, bénéficiant de droits élargis (affectation, etc) et exerçant leur mission dans un dispositif « encadré » qui soit une garantie pour eux/elles et les usager·es,
- une présence territoriale harmonieuse et pérenne.
Vous l'aurez compris, pour Solidaires Finances Publiques, les missions de la DGFiP doivent être conservées et renforcées.
Ainsi, pour illustrer notre propos, la gestion et le contrôle des comptes des collectivités locales doivent rester de la prérogative de la DGFiP pour aboutir à la certification des comptes qui relève par nature de l’action publique. Chaque corps de contrôle obéit à une logique (application du code général des impôts ici, du code monétaire et financier là, du code de la consommation ailleurs, etc). Il faut donc éviter à terme, au nom d’une prétendue simplification qui affaiblirait le contrôle public économique, à un mélange des genres prôné par le rapport Action publique 2022 .
Les missions de service public de la DGFiP doivent également répondre à une logique de justice sociale et fiscale. Dès lors, il faut marteler que servir l’intérêt général suppose également d’orienter utilement le contrôle fiscal. Celui-ci doit demeurer la contre-partie du système déclaratif. Il ne doit y avoir aucun mélange des genres ni détournement des procédures. Le renseignement sur l’application de la loi fiscale est du ressort des services de gestion ou d’expertise. Le contrôle, mission d'importance au demeurant au regard du volume de la fraude fiscale qui, rappelons-le, avoisine les 80 milliards, doit s'appuyer et relever des services de contrôle sur pièces et sur place mais également de structures dédiées à la programmation. Sur ce point, la connaissance du tissu fiscal local est une nécessité et quoi qu'en dise l'administration centrale, l'économie souterraine notamment, sait parfaitement contourner les radars des systèmes de data mining. Pour Solidaires Finances Publiques, la lutte contre la fraude ne peut donc pas se résumer à une simple compilation d'algorithmes.
La spécificité des missions de notre administration, et ce dans tous les domaines, prouve, s'il en était encore besoin, la nécessité de maintenir un réseau DGFiP solidement implanté sur l’ensemble du territoire et de façon pérenne.
C'est pourquoi, à l’opposé de votre plan, il est nécessaire, au vu des besoins, de reconquérir les territoires. Il faut garder et consolider le réseau territorial de la DGFiP, réimplanter le service public là où il est absent (et nous ne sommes pas hostiles à l'idée que le numérique puisse aider), et maintenir localement des services. Il faut également en compléter l'offre pour les usagers et permettre aux agent.es d'accéder à des affectations répondant à leurs attentes.
Traçons à présent les grandes lignes de ce que devrait être la DGFiP de demain, sans décliner à ce stade l’ensemble des services et des missions :
Pour un véritable service public de proximité : non seulement il ne faut aucune suppression de service, ce qui suppose le maintien des SIP et des SIE, des SPF et des autres services (PCRP, PCE, etc), mais nous devons aller plus loin. Les services sont sous-dimensionnés. Dès lors, pour les pérenniser dans de bonnes conditions, les trésoreries par exemple doivent être renforcées pour assurer en plus de leurs missions de gestion publique un véritable accueil de proximité (un accueil fiscal pour les particuliers et les entreprises notamment). Si, sur une même résidence, cohabitent une trésorerie et un SIP, un SIE ou un SIP/SIE, l’accueil fiscal continue d’être assuré par ces derniers. Les autres services territoriaux doivent être maintenus. Toujours à titre d’exemple, les services de contrôle locaux doivent être maintenus pour demeurer présents sur l’ensemble du tissu fiscal, tant sur la programmation, la recherche que le contrôle sur pièces et sur place.
Pour un exercice plein et entier des missions : par exemple, il est totalement anormal que les buralistes encaissent des sommes en numéraire en lieu et place de la DGFiP et contre rétribution. Nous revendiquons de conserver cette mission dans notre giron pour garantir un service public neutre et indépendant, garant de la confidentialité fiscale et sociale. La confidentialité ne sera nullement garantie compte tenu de la promiscuité existant dans ce type de commerce.
Pour un service public technicien dont les agents conservent et maîtrisent toute la chaîne de travail : par exemple, un véritable accueil fiscal et de recouvrement de proximité répond selon nous à ce principe.
Pour un encadrement de proximité auprès des agents (géographique et fonctionnel) : véritable technicien·ne, l'encadrant doit être avant tout un·e collègue de travail qui apporte un soutien à l'ensemble de l'équipe, il ne doit pas être un simple animateur d’équipe ou validateur d’indicateur de performance.
La mise en œuvre du télétravail et travail à distance doit s’effectuer sous conditions et surtout pas à l’emporte pièces pour justifier les projets de la DG. On peut par exemple imaginer un CSP à distance « intelligent » pour renforcer la couverture du tissu fiscal. De la même manière, les antennes de SPF pourraient travailler, sous l’égide d’un cadre, sur la base du SPF départemental sans que les agent.es n’aient à le rejoindre physiquement. Il en va de même pour les antennes existantes qui, selon nous, doivent prendre la forme de services locaux pérennes.
S’agissant du label « France service » délivré aux nouvelles maisons ou établissements : force est de constater qu’elles existent (le réseau des maisons France-service entraîne la refonte et le développement du réseau des maisons de service au public). Que certaines se créent là où la DGFiP n’est pas présente ou que certains de nos services puissent accueillir physiquement des MFS dans leurs murs sans confusion des tâches est une chose, mais, selon nous, elles ne peuvent ni ne doivent remplacer des services de la DGFiP.
Concernant la démétropolisation, l'ambition est pour le moins ubuesque. Vous affichez de possibles transferts de mission venant de grandes métropoles vers des villes où vous avez sabordé des services ! C'est pourquoi Solidaires Finances Publiques dénonce l'opacité de l'administration concernant les services qui devront être transférés. Ce manque de transparence est anxiogène pour les agents franciliens et des métropoles régionales. De plus cela amplifie la propagation de rumeurs, certaines fondées, d'autres moins, mais là vous seuls détenez les réponses. Nous le réitérons en ce jour, les agents des Finances publiques méritent plus de respect et nous exigeons la communication de vos travaux concernant les services à transférer.
Par ailleurs, nous vous rappelons que par le passé nous avions défendu le principe d'installer des services nouveaux à compétence nationale dans des territoires non franciliens. A l'époque on nous accusait de ringardise ! On nous objectait que des missions nationales, de niveau central, ne pouvaient en aucun cas s'exercer loin des lieux de pouvoir ! Désormais, l'idée a germé en réponse au mouvement social des gilets jaune, donc tout devient possible ! Pour Solidaires Finances Publiques, il faut raison garder, et stopper toute approche qui viserait à mettre du désordre là où règne la cohérence. Sans paraphraser un maire d'une commune, qui a d'ailleurs candidaté, les territoires ont surtout un impérieux besoin de service public de proximité, agissant pour les populations locales. Le reste peut s'envisager, mais avec raison et cohérence !
Concernant la formation, celle-ci doit être à la hauteur des enjeux (formation initiale, continue) et s'appuyer sur une mutualisation du quotidien et renforcer la technicité des agents au service de la qualité du service public. L’e-formation ne saurait se substituer à une véritable formation, elle n'en constitue qu’un complément qui n'a de sens d'ailleurs qu'avec des temps de reformulation en présentiel.
La DGFiP de demain ne pourra se faire sans les agentes et les agents. C'est pourquoi il faut en finir avec la déréglementation des règles de gestion. Celles-ci doivent être claires, collectives et équitables avec des instances où siègent les représentant·es élu·es des personnels. Ces derniers doivent disposer du temps et des moyens nécessaires pour s'assurer que les règles sont correctement appliquées et pour faire valoir les droits individuels et collectifs des agent·es.
Concernant la reconnaissance des qualifications des agent·es de la DGFiP, nous réitérons ici ce que nous vous avons dit lors des deux dernières séances du CTR : la priorité absolue est la revalorisation de la valeur du point d’indice (qui dépend certes du niveau « Fonction publique ») et du régime indemnitaire (par l’indemnité mensuelle de technicité et la hausse du nombre de points ACF), qui est de votre compétence.
Nous confirmons également que la reconnaissance des qualifications doit se traduire par un plan de promotions internes, intercatégorielles et intracatégorielles, ambitieux qui doit concerner toutes les catégories. II permettrait de mieux reconnaître l’expertise jusqu’au plus haut niveau. Ce plan s’inscrirait dans le cadre d’un repyramidage des emplois en lien avec l’évolution actuelle et à venir des doctrines d’emplois. Il prendrait également la forme d’un ajustement du ratio « promu/promouvable ».
Concrètement, concernant les promotions intercatégorielles, les « curseurs » doivent évoluer au bénéfice de la promotion interne via les concours (internes et examens professionnels) ; pour les promotions intracatégorielles, les débuts de carrière doivent être accélérés afin de permettre aux agents de pouvoir dérouler une carrière complète au sein de leur corps pour les catégories C et B (administratifs et techniques). De plus, depuis de nombreuses années, les taux d’accès au troisième grade de la catégorie B (10 %) ne sont pas à la hauteur de la reconnaissance des qualifications et de l’investissement et implication des agents de la DGFiP.
Il s’agit là de deux priorités devant se traduire par des avancées significatives et durables pour nos collègues.
En conclusion, Solidaires Finances Publiques refuse la précarisation de la DGFiP que vous mettez en oeuvre tant dans l'exercice de ses missions, dans ses structures et dans le quotidien de travail des personnels.
La visibilité que vous donnez est « court-termiste », jusqu'en 2026 alors que les agent·es veulent voir leur administration pérennisée sur du long terme. Par ailleurs, nous rejetons votre affirmation qu'un conventionnement constituerait un plus en matière de sécurité et de pérennité. Nous n'allons pas nous fâcher, mais soyons clairs, le conventionnement instaure une précarisation calendaire, qui jamais au grand jamais n'a été au rendez-vous de l'histoire de la DGFiP. Nos missions nationales, déclinées en local, étaient garanties par le législateur et en aucun cas par un contrat d'utopie !
Au final, et malgré votre discours d'orientation, notre vision pour la DGFiP diverge sur bien des aspects. Mais, nous ne céderons aucun pouce de terrain sur ce que nous défendons coûte que coûte, pied à pied. Notre détermination est à la hauteur de l'urgence vitale et sociale de la DGFiP et de son collectif.
Solidaires Finances Publiques attend de ce groupe de travail vos réactions au regard des revendications exprimées. Compte tenu du positionnement de ce GT et de sa durée prévisible, nous demandons l'ouverture d'un cycle de discussions pour explorer toutes les pistes envisageables et envisagées ainsi que leur faisabilité.